Fausses bonnes idées dans le recrutement d’ingénieurs qualifiés

L’intelligence artificielle et l’automatisation ont fait leur apparition dans les processus de recrutement de grandes entreprises et agences de recrutement. De tels systèmes permettent principalement un gain de temps dans le tri d’un grand nombre de profils, mais des questions se posent quant à la déshumanisation et la qualité de tels recrutements.

Dans un contexte où la personnalité, le savoir-être, le potentiel de développement et les capacités de communication des collaborateurs ont un caractère déterminant comme critères d’embauche, la robotisation du processus de recrutement n’est probablement pas la meilleure solution pour identifier les meilleurs talents. Ces technologies ne répondent pas au désir légitime des candidats d’interagir avec leur futur employeur. Avant de faire son choix, le candidat veut comprendre les attentes de l’employeur, l’environnement de travail proposé, la stratégie ou la culture d’entreprise. Le candidat aimerait également avoir l’opportunité de convaincre son futur employeur de son désir et de sa capacité à changer d’industrie ou de position en mettant en avant ses compétences transposables, sa capacité d’apprentissage ou son envie de changement ou de progression.

Dans un marché où il existe une pénurie d’ingénieurs qualifiés, le déploiement de solutions d’intelligence artificielle pour identifier et attirer les meilleurs professionnels est clairement une fausse bonne idée. A priori, les ingénieurs et informaticiens pourraient en effet représenter un segment de choix pour déployer des technologies innovantes permettant de pratiquer un recrutement prédictif visant à identifier les « soft skills » et les « hard skills ». Il existe toutefois un risque que de telles technologies privilégient les CVs optimisés pour de tels algorithmes, plutôt que les vraies compétences de la personne. Ces méthodes tendent également à privilégier des recrutements du type « plug-and-play » qui ne sont souvent pas durables.

Dans un marché où il existe une pénurie d’ingénieurs et d’informaticiens qualifiés, la problématique à résoudre n’est pas le tri d’un grand nombre de candidats, mais plutôt la capacité à identifier et attirer des talents qui ne sont souvent pas en recherche active d’emploi et qui peuvent se permettre de choisir leur futur employeur. Suite à une recherche active de candidats au moyen de plusieurs canaux, le recruteur doit avoir alors la capacité à développer une relation de qualité avec le candidat en gagnant sa confiance par sa qualité d’écoute, ainsi que par sa connaissance métier et par son appréhension réaliste du parcours et des compétences professionnelles du candidat. L’objectif de tels interviews approfondis est double : rendre attractive la position proposée et engager la bonne personne présentant les compétences techniques et sociales permettant de s’adapter aux défis présents et futurs de l’entreprise.

Publié dans 24H et Tribune de Genève, le 20 juin 2019

Jacques Laurent
Managing Partner